Pour développer la convivialité et la culture du débat citoyen à Villesèque-des-Corbières

Vue du village depuis la clause

Vue du village depuis la clause

dimanche 26 octobre 2014

Compte rendu de la réunion du 22 octobre 2014



Thème : Les machines peuvent-elles penser ?

Peu de participants à cette réunion, qui visait pourtant un large public. Il apparaît que le sujet du jour a effrayé de nombreux participants potentiels et c’est bien dommage.

Jean-Luc Soubie a fait une rapide présentation de l’historique des tentatives d’automatiser le raisonnement humain et a présenté l’évolution des capacités des machines (ordinateurs et robots) pour interagir intelligemment avec les utilisateurs. Il a montré que les travaux de recherche allaient simultanément dans le sens de reproduire au plus près le fonctionnement du cerveau humain d’un côté, et de réaliser des fonctions  équivalentes sans souci de reproduire le fonctionnement du cerveau d’un autre côté. Il a également montré les limites physiques de la puissance toujours croissante des calculateurs. 

Le débat a porté sur la possibilité de franchir les limites actuelles grâce à de nouvelles technologies, de donner aux futurs ordinateurs des capacités qui jusqu’à présent semblent exclusivement humaines, comme les émotions et les sentiments. Mais il a aussi été débattu de la perte de maîtrise que l’humain subit peu à peu et de son corollaire, la perte de savoir-faire.

Parmi les participants les plus réguliers à ces soirées débat, une bonne partie est indisponible au cœur de l’hiver. Il a donc été décidé de reprendre le cours des soirées au printemps, avec au moins les deux thématiques déjà décidées :
-        -   le féminisme (au travers de l’exemple des vigneronnes)
-        -   la transmission (des savoirs, de la culture, des savoir-faire) entre les générations

mercredi 17 septembre 2014

Compte rendu de la réunion du 15 septembre 2014

Le débat très intéressant sur le thème "l'utilité de l'inutile" a bénéficié de la parution entre temps d'un livre que deux participants à la réunion ont acquis et lu.
Voici, ci-dessous le résumé qu'en a fait Jean-Claude Viremouneix.

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L’utilité de l’inutile


« Et c’est précisément le rôle de la philosophie de révéler aux hommes l’utilité de l’inutile et, si l’on veut, de leur apprendre à distinguer entre deux sens du mot utile. »
Pierre Hadot (1922-2010) spécialiste de la philosophie antique et du néoplatonisme Exercices spirituels et philosophie antique.

Le livre de Nuccio Ordine est un voyage dans l’univers de l’inutile au travers des œuvres d’un certain nombre d’auteurs.
(L’utilité de l’inutile, Nuccio Ordine, Editions des Belles Lettres)

Utile : de Utilis : se servir de…
Inutile : qui ne sert à rien.

3 volets :

- L’utile inutilité de la littérature.
- les conséquences désastreuses de la logique du profit dans l’enseignement, la recherche et la culture.
- exemples d’auteurs classiques qui ont montré au cours des siècles, la valeur illusoire de la possession et de ses effets destructeurs sur la « dignitas hominis » sur l’amour et la vérité.

Les barbares s’emploient à détruire les œuvres d’art, les livres, les supports du Beau et de la spiritualité. Nous en avons encore des exemples récents.

Regardez les oiseaux du ciel, ils ne sèment ni ne moissonnent ; ne vous inquiétez donc pas…Et du vêtement pourquoi vous inquiéter. Regardez les lys des champs, ils ne tissent pas, et ils sont bien mieux habillés que Salomon lui-même dans toute sa splendeur ; ne vous inquiétez pas du lendemain. Demain s'inquiétera de lui-même". (l’instant présent) Math 6,26-34 (Sur l’inquiétude qui fait passer la matière avant l’esprit)

Même pour Keynes l’essence de l’authentique de la vie réside dans le Bien (ce que les démocraties marchandes considèrent comme inutile), et non pas dans l’utile.

Cependant « une haute culture et une morale éclairée ne prémunissent en rien contre la barbarie totalitaire » (les intellectuels.

La seule chance d’atteindre et de protéger notre dignité humaine est la culture.

1) Dans la littérature :

Celui qui n’a pas n’est pas.

Les savoirs sans profits sont jugés inutiles ; c’est le règne de la quantité. Le désintéressement et la gratuité sont jugés intempestifs et démodés.

Pour Dante (1265-1321) et Pétrarque (1304-1374) la littérature ne doit pas être soumise au principe de rentabilité.

Pour Aristote (384-322 av JC) : la savoir n’a pas d’utilité pratique, c’est l’étonnement et l’admiration qui conduisent les hommes à la philosophie (amour de la Sagesse). La liberté de la philosophie et le refus de l’esclavage de l’utile fonde la « divinitas » des êtres humains.

Platon (428-348 av JC) distingue les hommes libres et les esclaves : l’homme libre n’a pas de problème de temps, ni de compte à rendre à personne ; les esclaves sont soumis à la clepsydre et à un patron qui décide.

Pour Ovide (-43, +18) (l’art d’aimer) rien n’est plus utile que les arts inutiles.

Pour Montaigne (1533-1592) « il n’y a rien d’inutile », « non pas l’inutilité même », « J’étudie à cette heure pour m’ébattre, jamais pour le quêt ».

Rousseau (1712-1778) écrivait que « les anciens politiques parlaient sans cesse de mœurs et de vertu ; les nôtres ne parlent que de commerce et d’argent ».
Par contre « Tout ce qui n’est pas utile est dédaigné » observe Diderot, « parce que l’emploi du temps est trop précieux pour le perdre à des spéculations oisives ».

Pour Tchouang Tseu (IVe av JC) l’inutilité est l’essence même de la vie.

Pour Heidegger (1889-1976) il est difficile de comprendre l’inutile

Selon Kant (1724-1804) : « le jugement esthétique est désintéressé »

Leopardini (1798-1837) poète philosophe romantique italien, en 1830 prône le choix de l’inutile contre l’utilitarisme d’un siècle superbe et sot.

La folie de Don Quichotte (Cervantès 1547-1616) héros de l’inutilité et de la gratuité.    

Dans son dictionnaire des idées reçues Flaubert présente la poésie « comme tout à fait inutile », parce que « passée de mode » et que le poète serait « synonyme noble de nigaud : rêveur »
Alors que pour Hölderlin (1770-1843) : « Mais les poètes seuls fondent ce qui demeure ».

Ionesco (1909-1994) a observé : l’utile est un poids inutile « Si on ne comprend pas l’utilité de l’inutile, l’inutilité de l’utile, on ne comprend pas l’art ». L’homme qui ne comprend pas l’inutile peut devenir la proie des fanatismes. « S’il faut absolument que l’art serve à quelque chose, je dirai qu’il devrait servir à rapprendre aux gens qu’il y a des activités qui ne servent à rien et qu’il est indispensable qu’il y en ait ».
Pour Ionesco : «  La poésie, le besoin d’imaginer, de créer, est aussi fondamental que celui de respirer. Respirer, c’est vivre, et non pas s’évader de la vie ».

Et Okakura Kakusô (1862-1913) situe dans le geste d’un homme cueillant une fleur pour sa compagne, le moment précis où l’être humain s’est élevé au-dessus des animaux : « En percevant l’usage subtil de l’inutile, il est entré dans le royaume de l’art ».

Selon Rilke (1875-1926) : « être artiste veut dire ne pas calculer, ne pas compter, mûrir tel un arbre qui ne presse pas sa sève, et qui, confiant, se dresse dans les tempêtes printanières sans craindre que l’été puisse ne pas venir ». La poésie ne se prête pas à une logique de la précipitation et de l’utilité.

Et pour Cyrano de Bergerac (Edmond Rostand 1878-1918) « …c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ».

Pour Pierre Lecomte du Noüys (1883-1947), biophysicien et philosophe : « dans l’échelle des êtres, seul l’homme accomplit des gestes inutiles ».

Pour Italo-Calvino (1923-1985) Philosophe et fabuliste italien ce qui est gratuit se révèle essentiel. En effet ce qui peut paraître inutile peut se révéler essentiel dans un domaine imprévu.


2) De l’inutile dans l’Université et la Science

Tendance générale à l’utilitarisation croissante de l’école et des universités.

L’étudiant client et le marché du travail. Tendance à réduire l’homme à sa profession et aux exigences de l’économie. Tendance à la réduction de la culture générale.

Victor Hugo (1802-1885) cite en exemple le Collège de France (fondé par François 1er en 1530 sur la suggestion de Guillaume Budé), l’école des Chartes et d’autres centres culturels édifiants : « Quel est le grand péril de la situation actuelle ? L’ignorance ; l’ignorance plus encore que la misère.

On peut prendre exemple de l’Institut de Princeton (à l’initiative d’Abraham Flexner) créé pour permettre une quête affranchie de toute obligation utilitariste et mue par la seule curiosité de ses membres. La démarche scientifique a beaucoup à nous apprendre sur l’utilité de l’inutile.  

C’est dans tous ces replis de l’inutile que nous pouvons puiser les ressources de l’utopie d’un monde meilleur. Utopia un monde qui n’a pas de lieu.

Nous nous trouvons confrontés au conflit entre l’utilitarisme pratique et la quête désintéressée de la connaissance et de la conscience. Les philosophes, les humanistes, les artistes, les poètes les scientifiques jouent un rôle essentiel dans la bataille à mener contre la dictature du profit, pour défendre la liberté et la gratuité de la connaissance et de la recherche.

La confrontation entre le règne de la quantité et celui de la qualité !

Dans sa course effrénée au profit, au pouvoir à la possession l’homme détruit son milieu naturel d’où il est né.

On assiste à la disparition programmée des classiques, alors que la découverte d’un classique peut changer la vie. Les livres sont pleins des paroles des sages, des exemples des anciens, des coutumes, des lois, de la religion qui peuvent servir d’exemples pour la résolution de problèmes actuels.

L’utilité inattendue des sciences « inutiles ». Quel avantage retire-t-on d’un théorème d’Euclide ou d’Archimède ? La science antique était totalement désintéressée.
Et Poincaré (1860-1934) : « La science n’étudie pas la nature pour rechercher l’utile ».

La connaissance est une richesse que l’on peut donner sans s’appauvrir.


3) La Voix des classiques

L’enjeu est celui de la « dignitas hominis » la dignité humaine.

Les anciens auteurs classiques le soulignaient :

Hippocrate (460-370 av JC) qui veut exercer la médecine sans se laisser influencer par l’argent : « Ceux qui travaillent pour de l’argent asservissent les sciences à leurs intérêts, et en les privant  de leur ancienne liberté d’expression, ils les réduisent pour ainsi dire en esclavage […] Pitoyable vie humaine, en qui sans cesse s’insinue l’intolérable cupidité, pareille à un vent d’hiver ! Et plût aux Dieux que les médecins unissent leurs forces pour soigner cette maladie… »

Démocrite (460-370 av JC) qui dialogue avec Hippocrate : «  Je ris d’un unique objet, l’homme plein de déraison, vide d’œuvres droites […] poussé par ses désirs immodérés à s’aventurer jusqu’aux limites de la Terre et dans ses immenses cavités, fondant l’argent et l’or, ne cessant jamais d’en acquérir, se démenant toujours pour en posséder davantage afin de ne pas déchoir. Et il n’éprouve aucun remords à se déclarer heureux, lui qui fait creuser à pleines mains les profondeurs de la terre par des captifs enchainés… »

Et Sénèque le Jeune (-4, +65, marié à la fille d’un riche notable de la Gaulle Narbonnaise, préfet de l’Annone), précepteur de Néron, dans ses Lettres à Lucilius : « De tous ces hommes que tu vois habillés de pourpre, pas un n’est heureux. Tels ces princes de théâtre… ils se pavanent devant le public, faisant la roue, dressés sur leurs cothurnes, puis, à peine rentrés dans la coulisse, ils se déchaussent et reprennent leur taille naturelle. De tous ces personnages que l’argent et les honneurs placent en un faîte élevé, pas un n’est grand. »
« Le souverain bien c'est une âme qui méprise les événements extérieurs et se réjouit par la vertu. »

Plus tard, Pic de la Mirandole (1463-1494) Philosophe Théologien (Discours sur la Dignité de l’Homme) fait découvrir que l’essence de la dignité de l’homme réside dans son libre arbitre.
A la création, Dieu n’attribue à l’homme aucune caractéristique spécifique, car toutes les déterminations ont déjà été attribuées aux autres êtres vivants. L’homme est alors un être indéfini libre de choisir son propre destin : « Tu pourras dégénérer en formes inférieures qui sont bestiales ; tu pourras, par décision de ton esprit, te régénérer en formes supérieures, qui sont divines. »

-        Dans la conclusion on va vers l’observation de structures psychiques différentes, les unes extraverties tournées vers le monde extérieur, les autres introverties tournées vers l’univers intérieur.

-        L’univers matériel tangible soumis à la décrépitude et l’univers spirituel de l’âme qui est inaltérable.

-        entre le monde de l’éphémère ce qui passe et l’Eternel, ce qui demeure. Le monde de la matière périssable et le monde de l’esprit et de l’âme inaltérables et incorruptibles !

-        La loi d’équilibre de l’univers entre le visible et l’invisible, et les valeurs de l’âme.

« La gratuité ne vaut plus rien » Denis Guedj
Je marchais benoîtement dans les rues de la ville quand mon regard fut happé par ces mots hauts perchés: «Tout ce qui a un prix peut être vendu moins cher.» Je restais coi, cloué sur le trottoir, bousculé par des passants insensibles à mon émoi. Quel était le penseur qui avait inscrit ces mots sur les murs de notre cité? La chaîne de magasins Leclerc! Qui avait lancé, c'était il y a quelque temps, une campagne de publicité. Slogan ou théorème? Je me précipite dans l'un des centres Leclerc pour vivre la publicité en direct. Une expérience extrême.

Et voilà que, enrichi par les bonnes affaires que j'avais failli faire chez Leclerc, je tombe, dans le métro, sur une phrase qui kidnappa mon regard: «Tout ce qui n'a pas de prix est gratuit.» Publicité lumineuse du musée du Louvre. Dessous, en médaillon: Vénus et les Grâces. Détail de Botticelli. Marchandises terrestres, marchandises célestes! Voilà la marchandise piégée par la finitude. Dans le monde qu'elle a contribué à clore et dont elle a éjecté l'infinitude, la publicité l'affirme, les choses ne valent plus rien. La gratuité ne peut être vendue!
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 Les prochaines réunions porteront sur les thèmes suivants :

  • "Les machines peuvent elles penser", précédé d'une conférence de Jean-Luc Soubie (4ème semaine d'octobre) 
  • "La transmission"

jeudi 4 septembre 2014

C'est la rentrée de Parole pour tous



Nous avons assisté, le 15 juillet dernier, à une très intéressante et documentée conférence de Jean-Claude Viremouneix, qui a tout de même réuni 19 personnes. Sur la base des archétypes de C. G. Jung, il a montré le caractère cyclique dans l’histoire de l’univers et de l’homme de phénomènes comparables dont on s’est posé la question de la détermination. 

Le prochain sujet de réflexion et de débat sera, comme prévu, l’utilité de l’inutile. Si ce titre en forme d’oxymore peut déconcerter, il recouvre une réalité très facile d’accès, par exemple au travers des questions telles que :
- Tout ce que nous faisons doit-il être utile ?
- Qu'est-ce qui est utile ? (pour soi, dans la ville, dans le monde)
- Les dessins de Lascaux étaient-ils utiles aux hommes préhistoriques ?
- Comment définit-on l'utilité ?

Ce débat aura lieu le lundi 15 septembre 2014 à partir de 20h45 au foyer communal comme d’habitude.
Selon la même habitude, il est absolument ouvert à toute personne qui désire y participer, sachant que plus nombreux nous serons plus le débat a des chances d’être riche.

dimanche 29 juin 2014

Courtoisie et écrans



Compte rendu de la réunion du groupe de débat du lundi 23 juin 2014


Y a-t-il une différence notable entre courtoisie et politesse ?

Le débat a montré que la politesse est le protocole minimal de l’interaction sociale, mais que la courtoisie vise à prendre l’autre en compte (respect, empathie, souci de simplifier la vie) et se traduit le plus souvent par des actes.
Son application est gratifiante et le plus souvent, elle entraine en retour le même type de comportement.

Est-il plus facile d’être courtois dans un groupe social où tout le monde se connaît ?

A priori, ce devrait être le cas, mais pas toujours, ce qui est dommage car l’attitude courtoise a pour effet de limiter les conflits ou d’en diminuer la violence.

Comment promouvoir la courtoisie ?

Peut-être en prenant des tiers (visiteurs et vacanciers) à témoin au travers de l’affichage du désir du village d’être courtois. Une pancarte à l’entrée du village souhaitant la bienvenue et disant que l’on mise également sur la courtoisie (à l’instar de la publicité « dans les Corbières on mise sur le vin (20) »).
Favoriser la réalisation de manifestations faisant venir du monde au village. Pour cela, l’idée d’utiliser des lieux symboliques et originaux comme la partie cave de l’ancienne coopérative pour des manifestations culturelles (concerts, expositions, etc.) a semblé intéressante. Rendre la commune attractive et originale par l’art et la culture, en cohérence avec ce qui est fait au niveau intercommunal, contribue à en donner une bonne image, qui ne peut que rejaillir sur ses habitants.

Poursuivre le débat et l’action

La discussion sur le rôle de l’art et la culture comme outils de convivialité et d’attraction a conduit à envisager un prochain débat sur le thème de « l’utilité de l’inutile ».
S’appuyant sur les compétences et la bonne volonté de citoyens du village, des conférences-débat ouvertes seront proposées par le groupe. Les premières propositions concernent :
-          les grands cycles naturels et les âges de la vie [Jean-Claude Viremouneix]
-          la condition féminine (au travers du cas particulier des vigneronnes) [Nathalie Roussel]
-          l’intelligence artificielle [Jean-Luc Soubie]
Plus simplement, des soirées conte animées par ceux qui connaissent des histoires, locales ou non, pourraient rassembler ceux que le programme de la télévision n’enthousiasme pas…
A propos de télévision, la deuxième partie du débat, concernant les écrans, n’a presque pas été abordée.

Prochaine réunion le 15 juillet si possible avec la première conférence :

Les grands cycles naturels et les âges de la vie [par Jean-Claude Viremouneix]